Richard

Publié le par hibou

A Mathieu Bréard

 

            Richard est beau, dans son ciré jaune fluo, bien équipé, il s'en va tirer deux ou trois bestiaux. Si aisé qu'il ait de le repérer, il n'effraie aucun animaux, sauf peut-être Tonio l'escargot, qu'il a manqué plusieurs fois d'écraser. Toute la matinée il vadrouille, ne faisant des pauses que pour entretenir sa cirrhose.

Dans sa forêt rangée, les arbres sont bien disposés. Sans l'homme pour les maîtriser, Richard ne pourrait voir circuler les voitures sur l'autoroute à côté. Un concert de klaxon accompagne ses pérégrinations. Malgré cela Richard est déboussolé, il a réussi à se paumer. Egaré dans la forêt en plein milieu de l'après-midi, il se voit déjà y passer la nuit ou pire, être dévoré par des perdrix. Richard a peur, il est en sueur, à survivre, il lui faut s'entraîner.

 

            Pourtant à la télé, cela marche toujours… Richard ne comprend pas, il a beau frotter ses deux ridicules brindilles, pas une étincelle n'en sort. Il n'a jusque là réussi qu'à se planter une écharde dans son doigt manucuré, elle avait par malheur échappé à son inspection minutieuse et exercée. Il avait pourtant tout prévu, consulter la météo, s'asperger de repousse-insecte, suivre le chemin balisé. Oui mais voilà il a oublié son briquet, il ne pourra réchauffer son cassoulet…

Se maudissant de n'être pas vicié au point de s'emplir les bronches de délicates fumées, ce qui l'aurait à coup sûr poussé à l'emmener, il s'en jette un petit dernier et cherche un coin de caniveau où s'écrouler pour mieux envisager ce qui lui est arrivé. Malheureusement nulle part, les eaux d'écoulement ne font entendre leur chant. Et le fossé le long du chemin quoique régulièrement récuré, n'est pas assez tentant pour monsieur.

Richard entend au loin, mugir un scooter, multipliant les battements de son cœur. Ce doux son le réassure, il en est maintenant sûr, on viendra le chercher, il ne sera pas digérer par les trois orties qui ont échappé à la serpe du garde-forestier.

 

             Repris en main, il se souvient des enseignements de son cheftain (le masculin de cheftaine, il en faut un). Il tente de collecter du petit bois, mais tout a été nettoyé… Il ne découvre que des bâtonnets plats, reste de chocolat glacé, des enfants les auraient abandonnés. Il en récolte un bon tas, puis s'assoit.

Le nez tendu, il hume l'atmosphère, guette l'électricité, tente de repérer l'humidité, afin de déterminer où l'eau, celle qui du ciel à tendance à s'écouler, va raviner. Après s'être représenté mentalement son chemin, de ses petites mains il y installe un moulin…

Le voilà bien avancé, des gouttes percutent son nez, il voit son moulin fonctionner en bénissant son ciré. Richard est remué, il lui est venu une idée, un événement à fêter! Il suit la lente avancée du liquide, son petit ruisselet. Se laissant guider par ce dernier, il est bientôt arrivé à une bouche d'égout, entrée de la ville pour laquelle il bout. Il peut enfin se reposer dans son caniveau…

Publié dans Dédiés

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